J'ai bien peur que "La planète des singes" soit beaucoup plus connue comme un film, ou même comme une série de films, que sous la forme d'un conte philosophique qui était celle du roman de Pierre Boulle. Les lecteurs de ce livre pouvaient y reconnaître une variation sur les "Voyages de Gulliver", et plus précisément sur le dernier voyage, où l'on voit les Houhynhms, des chevaux doués de raison, dominer et domestiquer des animaux d'apparence humaine, les Yahoos, qui sont visiblement dépourvus de langage, et où le narrateur en vient à s'identifier à ces animaux misérables… Le premier film, où Charlton Heston jouait l'un de ses meilleurs rôles, était assez fidèle à l'ouvrage de Pierre Boulle, tout en introduisant d'autres thèmes - notamment celui d'une guerre atomique, qui aurait eu lieu pendant le long voyage interplanétaire qui ramène un vaisseau spatial à son point de départ, pendant une durée plus longue pour les planètes concernées que pour les cosmonautes : la scène où Charlton Heston découvre, à la fin du film, les ruines de New York et les débris de la Statue de la Liberté répond certes à une suggestion du livre, qui inscrit le scénario dans une représentation catastrophique de l'histoire, en même temps qu'elle introduit l'idée d'une mutation darwinienne, des singes aussi bien que des hommes… Paradoxalement, elle fait jouer à Charlton Heston le rôle d'un pacifiste consterné, quand il comprend que les Grands de la Terre ont été assez fous pour faire exploser leurs bombes ! Ne parlons pas des films qui ont suivi, qui ont été de lamentables resucées...
