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3 février 2021 3 03 /02 /février /2021 10:55

Le mot « cynisme », qui revient assez souvent, dans le roman-fleuve de Margaret Mitchell, m'a conduit à consacrer un commentaire à ce fameux best-seller, en me concentrant sur la modernité du cynisme, incarnée notamment par Rhett Butler et Scarlett O'Hara, pour notre plaisir de lecteurs, - ce qui n'innocente pas le cynisme croissant de la modernité... [voir l'Appendice] Je reprenais, en fait, et sans même y penser, le fil d'une analyse que j'avais, autrefois, esquissée sur la notion de cynisme politique, dans un mémoire de DEA que j'avais consacré aux écrits du philosophe catalan Joan Crexells (1896-1926).

Ce travail, qui remonte aux années 1996-1997, ne prenait en compte que les écrits disponibles à cette époque : le premier volume (déjà posthume) d'une édition de ses « Primers Assaigs », publiée en 1933, par la « Llibreria Catalonia », quelques traductions des premier dialogues platoniciens, dont le Protagoras, et un recueil d'articles, publié en 1968, « La història a l'inrevés », - puis, à l'automne de 1996, le premier volume d'una « Obra completa » qu'allait publier un éditeur barcelonais, « Edicions de la Magrana », qui sera l'édition citée dans nos références ( quatre volumes publiés de 1996 à 1999).

La première partie de mon travail était consacrée aux ouvrages proprement théoriques de Joan Crexells, sa thèse de doctorat, consacrée à des philosophes « austro-hongrois », Bolzano et Brentano, qui allaient influencer des penseurs aussi différents que Husserl et Russell. C'est dans la seconde partie,, que nous retrouverons le cynisme moderne, à propos de questions politiques qui affectaient la politique espagnole, et qui l'affectent aujourd'hui encore, la question du régime politique, monarchie ou république, et la question nationale, surtout en Catalogne.

 

 

Cynisme contre ingénuité

 

Commençons par un texte qui a paru assez important pour être publié deux fois dans la Revista de Catalunya, et sous deux titres différents : en juillet 1924, sous un titre énigmatique et peut-être pédant, « La théorie cynique de la monarchie et la théorie cynique de la démocratie » ; l'année suivante, en juillet 1925, sous un titre plus racoleur : « De Hobbes à Maurras »

Crexells distingue tout d'abord une théorie ingénue de la monarchie, qui correspond à la monarchie de droit divin ; le monarque, dans l'Europe chrétienne, est roi « de droit divin », sa légitimité repose sur les dogmes établis dans l'Epître aux Romains, et s'impose d'elle-même, sans qu'il soit nécessaire de la justifier davantage... Mais depuis les Révolutions du XVIIIème siècle, la Déclaration d'indépendance américaine, et la Déclaration française de 1789, qui affirment que les hommes sont libres et égaux en en droits, il devient nécessaire d'expliquer et de justifier qu'ils doivent se soumettre à une autorité politique : c'est pourquoi les monarchistes sont obligés d'inviter une justification « pragmatique » ou « utilitariste » de cette autorité qui n'est plus naturelle : ce qui est donné dans l'état de nature, ce sont des hommes indépendants, qui n'ont pu se soumettre à l'un ou à l'autre d'entre eux que parce qu'ils y ont trouvé leur propre avantage.Telle est précisément la théorie que Hobbes développe dans le Citoyen (De Cive), puis dans le Leviathan... Théorie d'où naîtront d'autres théories du contrat, celles de Spinoza, de Locke et de Rousseau, pour qui les hommes peuvent certes créer un pouvoir politique pour régler leur coexistence, mais sans abdiquer leur liberté naturelle. Comme dira Rousseau, «l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. »

Crexells oppose deux théories « ingénues » de la souveraineté, celle qui fait du roi un élu du Seigneur, et reconnaît son droit divin, et celle qui fonde le droit du peuple sur un pacte social : « La théorie ingénue de la démocratie dit que le citoyen exerce un droit en exerçant la souveraineté. » Il se déclare lui-même démocrate ingénu », voulant dire par là qu'il est tout naturel, pour des être indépendants qui unissent leurs forces pour pouvoir vivre mieux, de se soumettre au choix, pas forcément définitif, d'une majorité d'entre eux, sous réserve de nouvelles délibérations, permettant de changer la loi. Mais il ajoute que, « même du point de vue cynique, la démocratie est supérieure à la monarchie. » [OC, I, p.153] La théorie de Hobbes suppose que « dans la monarchie l'intérêt privé [du monarque] est le même que l'intérêt public. La richesse, le pouvoir, l'honneur d'un monarque proviennent seulement de la richesse, de la force et de la réputation de ses sujets, puisqu'aucun roi ne peut être riche, glorieux, ni assuré, dont les sujets seraient pauvres ou méprisables ou trop affaiblis par la pénurie ou par les dissensions, pour soutenir une guerre contre leurs ennemis. Alors que dans une démocratie ou une aristocratie la propriété publique ne favorise pas autant la fortune privé d'un corrompu ou d'un ambiteux, que bien souvent un conseil perfide, une trahison, ou une guerre civile. » [p. 154] Telle est bien, en effet, la thèse de Hobbes, et celle de Maurras, à laquelle, toutefois, il est facile d'objecter que, dans aucune dynastie, l'affection paternelle ne peut se limiter à un seul des enfants, et que, par exemple, la dynastie mérovingienne a morcelé son royaume par des partages entre frères, que l'empire de Charlemagne a été partagé entre ses petits-fils, et qu'il faut faire un gros effort d'imagination pour se représenter « le premier des quarante rois qui en mille ans firent la France renonçant à un avantage pour lui ou pour un de ses fils dans l'intérêt de son quarantième successeur » [p. 163] En fait, bien que Crexells ne l'évoque pas, il suffit de penser au choix de Louis XIV devant la succession du roi d'Espagne, ou il a choisi l'intérêt de sa dynastie contre l'intérêt de son propre royaume, déjà épuisé par de nombreuses guerres : moyennant quoi, les Bourbons règnent en Espagne, même s'ils ont perdu la France !

Le cynisme monarchique, bien qu'il semble plus rationnel que le royalisme « ingénu », n'a donc pas introduit d'argument décisif pour remplacer le « droit divin », un cynisme républicain peut facilement répondre que le peuple est lui-même plus porté à défendre ses propres intérêts que les tuteurs monarchiques ou aristocratiques auxquels on prétend le confier : c'est ainsi que Machiavel observe, dans toute principauté, l'opposition entre deux « humeurs », celle des Grands, qui désirent opprimer, et celle du peuple, qui aspire seulement à ne pas être opprimé, ce qui peut justifier le jugement de Rousseau, déclarant que le « Prince » est « le livre des républicains », étant bien entendu que Rousseau défendait la souveraineté du peuple, et non celle des élus qui prétendent le représenter. Il est vrai que Crexells ne reprend pas à son compte la critique rousseauiste du parlementarisme, et se croit gouverné démocratiquement, dès lors qu'il a élu ceux qui le représentent...

L'opposition du cynisme et de l'ingénuité se retrouve dans toute question politique, elle oppose ceux qui se réfèrent au droit, et ceux qui invoquent l'utilité, l'effcacité, l'avantage, ou même « le plus grand bonheur du plus grand nombre », qui est le critère utilitariste. C'est elle que nous pourrons retrouver dans la conception que Crexells a du « nationalisme » qui peut être entendu comme une expression du « principe des nationalités », mais aussi comme celle de la prépondérance que telle ou telle nation revendique à l'encontre d'autres nations – de sorte que le « nationalisme » est un terme ambigu : Crexells a, sur ce point des conceptions très proches de celles que défendait Batista i Roca, notamment dans son livre « Nacionalisme i federalisme », et dont nous parlerons une prochaine fois.

 

APPENDICE I : « Cynisme et modernité de Scarlett »

 

Le mot « cynisme » revient assez souvent, dans le roman-fleuve de Margaret Mitchell,où il qualifie, entre autres, la conduite et les propos de Rhett Butler, et même ceux de Scarlett O'Hara : ceux-ci détonnent, en effet, dans cette épopée nostalgique, où est censé revivre le vieux Sud, Dixieland ... Ce cynisme est, croyons-nous, l'indice d'une modernité clandestine, qui s'invite elle-même là où on ne l'attend pas.

Il apparaît déjà dans les premières pages, où Scarlett O'Hara se laisse courtiser par les jumeaux Tarleton, qui « étaient captifs de son charme », bien qu'elle ne fût pas « d'une beauté classique » : « Dans son visage, empreint d'une expression de douceur minutieusement étudiée, ses yeux verts, frondeurs, autoritaires, pleins de vie, ne correspondaient en rien à son attitude compassée. Elle devait ses bonnes manières aux réprimandes affectueuses de sa mère et à la discipline plus rigoureuse de sa mama, mais ses yeux étaient bien à elle. » [chapitre I, pages 7-8, dans l'édition française publiée chez Gallimard, collection Biblos, 1989. Nos citations seront suivies de l'indication du chapitre, et de la page dans cette édition]

Nous en sommes avertis, la paisible douceur de cette jeune fille n'est donc que le produit de son éducation, sa nature est plutôt turbulente et sauvage.

 

  1. SCARLETT O'HARA

 

Il est bon de noter que la narration est conduite, presque intégralement, comme une confession autobiographique, bien qu'elle soit écrite à la troisième personne : elle n'exprime pas forcément sa pensée, et comporte parfois des jugements qu'il faut attribuer à la romancière, qui ne joue pas le rôle d'un narrateur omniscient, mais qui s'en tient toujours aux expériences que fait l'héroïne elle-même.

Certes, elle n'obéit pas aux normes narratives que Sartre n'avait pas encore formulées, à l'occasion d'un roman de François Mauriac, et elle s'autorise à nous dire, par exemple, que Scarlett ne s'intéressait qu'à des conversations dont elle était l'objet...

On trouvera dans ce chapitre une des rares exceptions qui confirment la règle : les jumeaux Tarleton, quand ils quittent Scarlett, commentent (à son insu) la tournure qu'a bientôt pris leur entretien, qui ne s'est pas conclu comme il aurait dû l'être : « Écoute, fit-il, tu n'as pas l'impression qu'elle aurait dû nous demander de rester à dîner ? - Je croyais qu'elle l'aurait fait, répondit Stuart. J'ai attendu qu'elle se décide, mais elle n'a pas bougé. » [I, p. 19] Ils comprennent enfin, grâce à Jeems, leur domestique noir, qui a suivi leur conversation : « Ji c'ois qu'elle a été heu'euse de vous voi' et que vous lui avez manqué, et elle a été gaie comme un pinson jusqu'au moment où vous lui avez pa'lé du ma'iage de missié Ashley et de miss Melly Hamilton. Alo' elle a fait comme un oiseau quand l'épe'vier y tou'ne dans l'ai' » [I, p. 20] Peggy Mitchell, bien sûr, n'illustre pas ici la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave, mais elle nous montre bien que les maîtres n'avaient guère de secrets inaccessibles à leurs esclaves... La suite du récit nous confirme, en effet, que Scarlett était amoureuse d'Ashley, bien qu'elle ne se fût pas encore déclarée, et qu'elle tombe des nues en apprenant qu'Ashley va demander la main de Mélanie Hamilton... Ainsi se met en place la dramaturgie des scènes qui auront lieu au « pique-nique » (barbecue) que vont donner demain les parents d'Ashley Wilkes, et où Scarlett va jouer le tout pour le tout. Car c'est Ashley qu'elle aime, et elle est convaincue qu'il l'aime lui aussi (elle le lui fera avouer), mais elle se heurtera au poids des traditions, qui imposeront le choix d'un mariage arrangé entre les deux familles...

C'est au même pique-nique qu'on va voir Rhett Butler , un invité des Wilkes, qui assiste par hasard à la scène agitée qui aura lieu entre Ashley et Scarlett, après avoir lui-même choqué pas mal de monde en commentant les perspectives de la guerre qui s'annonce entre Sudistes et Nordistes. Scarlett elle-même, entendant le discours « défaitiste » de cet inconnu, l'a plutôt ressenti comme une agression malveillante : « Allons, bon, il prend tous les garçons pour une bande d'imbéciles ! » pensa Scarlett dont les joues s'empourprèrent d'indignation. » [VI, p.152] Puis elle se ravisa quelque peu, tout en jugeant que cet homme était mal éduqué : « Scarlett avait beau être sous l'empire de la colère, quelque chose dans son esprit lui indiqua que cet homme avait raison et que ses paroles étaient marquées au coin du bon sens.C'était vrai, elle n'avait jamais vu d'usines et ne connaissait personne qui en eût vu. Mais même si cela était vrai, il fallait ne pas être un homme du monde pour raconter des choses pareilles au cours d'une fête où tout le monde s'amusait. » [VI, p. 153] Après quoi, il se trouve que ce même malappris assiste, par hasard, car il s'est retiré dans la bibliothèque, à la scène où Scarlett va entreprendre Ashley, qu'elle finit par gifler, avant de briser un vase : « Ah ! En voilà assez ! déclara une voix montant des profondeurs du sofa (...)Les jambes coupées, elle se cramponna au dossier de sa chaise tandis que Rhett Butler se levait du sofa où il était étendu et la saluait avec une politesse exagérée.

-C'est déjà bien assez d'avoir été arraché à ma sieste par une tirade comme celle que j'ai été forcé d'entendre sans que je laisse mettre mes jours en danger. » [I, p. 164]

Quelques mots redoutables vont bientôt s'échanger :  « Monsieur, vous n'êtes pas un homme du monde ! (…) -On n'est plus une femme du monde quand on a dit ou fait ce que j'ai entendu » Mais Rhett Butler est seul à comprendre ce fait (« je ne suis pas un gentleman, vous n'êtes pas une lady ») comme une bonne raison pour une bonne entente, celle qui se noue entre des êres qui se ressemblent.

 

  1. SCARLETT HAMILTON

 

Cette soirée mouvementée nous permet d'observer deux formes de cynisme, un cynisme raisonné, celui de Rhett Butler, qui s'étend même à ses positions politiques, et le cynisme irréfléchi qui est celui de Scarlett, quand elle se trouve acculée dans une impasse, dont elle tente de s'échapper par une « fuite en avant », en se saisissant des rares, et précaires, moyens qui s'offrent à elle dans chaque situation.Elle se trouve alors dans une nouvelle impasse, et elle devra chercher de nouvelles issues : ainsi décide-t-elle, après son altercation avec Ashley, d'accepter la demande en mariage de Charles Hamilton, afin de couper court aux ragots qu'elle redoute : « Deux semaines après, Scarlett était mariée, deux mois plus tard elle était veuve (…) mais elle ne devait jamais plus connaître l'insouciante liberté du temps où elle était jeune fille. Le veuvage avait suivi de près le mariage, mais à son grand désespoir, survint aussi la maternité. » [VII, 175] Elle découvre alors ce qu'est la condition d'une veuve, exclue de toute vie sociale et mondaine, et vouée à servir d'infirmière bénévole dès qu'aura commencé la guerre de Sécession...

Elle va pourtant être invitée à prendre part à une fête, où on aura besoin d'elle pour s'occuper d'une vente de charité, destinée à couvrir les dépenses des hôpitaux. C'est là qu'elle va retrouver Rhett Butler – ou faut-il dire que c'est lui qui la retrouve, et lui dit aussitôt avoir toujours pensé « que cette façon de porter le deuil, d'emprisonner les femmes dans le crêpe pour le restant de leurs jours et de leur interdire toute distraction normale était aussi barbare que la satî hindoue » puis, comme elle ignore cet usage que nous connaissons bien, pour avoir lu le Tour du monde en 80 jours, il lui apprend qu'aux Indes « lorsqu'un homme meurt, on le brûle au lieu de l'enterrer et sa femme monte toujours sur le bûcher funéraire pour être brûlée avec lui (…) Une épouse qui ne se laisserait pas brûler serait mise au ban de la société. Toutes les dames comme il faut pousseraient les hauts cris parce qu'elle ne se serait pas comportée en dame... Tenez, exactement comme ces respectables personnes là-bas dans le coin pousseraient les hauts cris si vous vous montriez ce soir en robe rouge et si vous conduisiez un quadrille. Je crois que la satî est bien plus humaine que nos charmantes coutumes du Sud qui consistent à enterrer vives les veuves. » [IX, 247-248 : ainsi, les mœurs occidentales sont même plus barbares que la satî hindoue !]

On apprendra plus tard les rumeurs qui circulent dans la bonne société, à l'encontre de Rhett Butler, mais il est, ce soir-là, reçu avec faveur, comme « l'intrépide capitaine qui, depuis un an, force avec un si rare bonheur le blocus et le forcera encore pour nous apporter les médicaments que réclame notre hôpital, le capitaine Butler ! » [IX, 250]

Ainsi pourra-t-il se permettre de prendre part aux enchères où chaque danseur paiera pour inviter sa cavalière, suivant la règle qu'impose le docteur Meade : « Messieurs, si vous voulez conduire un quadrille avec la dame de votre choix, il faudra y mettre le prix. C'est moi qui dirigerai les enchères dont le montant ira à l'hôpital. » Ces enchères, à vrai dire, suscitent des murmures : « N'est-ce pas, on dirait... on dirait une vente d'esclaves, murmura Mélanie, les yeux fixés sur le docteur que, jusqu’à ce jour, elle avait trouvé parfait – mais il s'agit, bien sûr, d'un murmure très discret.[IX, 258]

Nous serons moins surpris que Scarlett quand « tout d'un coup, elle entendit son nom... son nom prononcé avec un accent de Charleston sur lequel on ne pouvait se méprendre, son nom qui dominait le tumulte des voix. », et nous nous attendons à entendre les hauts cris annoncés. Le docteur lui-même intervient : « Une autre de nos belles, peut-être ? (…) - Non, fit Rhett d'une voix nette tout en promenant un regard nonchalant sur la foule, Mme Hamilton. - Je vous dis que c'est impossible, insista le docteur, Mme Hamilton ne voudra pas. » C'est alors que « Scarlett entendit une voix que, tout d'abord, elle ne reconnut pas … sa propre voix ! - Si, je veux ![IX, 259-260]

Belle leçon de sociologie, et d'anthropologie, concernant la pression sociale dans des sociétés aussi différentes que l'Inde coloniale et le Sud Confédéré, dont la Cause est si noble... Nous n'insisterons pas sur les suites immédiates, et la délation vertueuse commise par de bonnes âmes, qui écrivent aussitôt à la mère de Scarlett : son père, qui vient la chercher à Atlanta, dans l'intention de la ramener au bercail, devra se résigner à rapporter « que toutes ces histoires à mon sujet ne sont que purs commérages d'une bande de vieilles chipies. » [X, 281] Réponse assez hardie, qui est peut-être due au fait que Peggy Mitchell, un demi-siècle après Scarlett, était la fille d'une « suffragette », ainsi qu'on appelait ces pionnières du féminisme, comme nous l'apprend sa biographe... Mais « la vertu est bête », comme dit Rhett Butler, et « jusqu'à ce qu'on ait perdu sa bonne réputation, on ne comprend ni quel fardeau on avait sur les épaules, ni ce qu'est la liberté. »[IX, 261-262 ]

Rhett Butler, on s'en doute, n'est pas intimidé par sa réputation sulfureuse, il rejette ouvertement la moralité hypocrite qui l'a fait « bannir » de Charleston : « Voyons, pourquoi suis-je la brebis galeuse de la famille Butler ? Pour une seule raison, parce que je n'ai pas pu me conformer aux usages de Charleston. Et Charleston, c'est le Sud en plus exagéré (…) Mon refus d'épouser la jeune personne dont vous avez sans doute entendu parler a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Pourquoi aurais-je épousé une petite oie insipide pour la seule raison qu'un accident m'avait empêché de la ramener chez elle avant la nuit ? Pourquoi aurais-je permis à son frère, qui avait les yeux hagards, de me tirer dessus et de me tuer alors que je visais mieux ? Oh, bien sûr, si j'avais été un homme du monde, je l'aurais laissé me tuer et ça aurait lavé la tache de l'écusson des Butler. Mais... j'aime la vie. Alors j'ai vécu et j'ai pris du bon temps... » [XIII, 323]

Naturellement,c'est le même cynisme qui reparaît dans ses positions politiques, y compris, dans la même conversation, quand il répond à Scarlett qui lui objecte que l’Angleterre et la France vont aider les Confédérés : « Voyons, Scarlett ! Vous avez encore dû lire un journal ! (…) L'Angleterre n'aidera jamais la Confédération. L'Angleterre ne mise jamais sur le mauvais cheval. C'est cela qui fait d'elle l'Angleterre. (…) Quant à la France, cette pâle imitation de Napoléon qui la gouverne est bien trop occupée au Mexique pour se soucier de nous. En fait, l'Empereur se félicite de cette guerre qui nous accapare trop pour mettre ses troupes à la porte du Mexique... » [XIII, 322]

C'est la même Realpolitik qu'il avait défendue, à la veille du conflit, dans sa prise de parole au « pique-nique » des Douze Chênes, et qu'Ashley, ce jour-là, n'avait commenté que pour dire « quel type arrogant, hein ? Il ressemble à l'un des Borgia. » C'était sans doute une allusion à Machiavel, que Scarlett, qui ne sait même pas qui étaient les Borgia, n'aurait pas pu comprendre. Mais plus tard, il devait s'expliquer davantage, dans une longue lettre à sa femme Mélanie, où il rappelle « qu'au pique-nique, le jour où l'on a annoncé nos fiançailles, un certain Butler, un Charlestonien sans doute d'après son accent, a failli provoquer une bataille par ses réflexions sur l'ignorance des Sudistes (…) parce qu'il disait que nous n'avions guère de fonderies, d'usines, de minoteries, de bateaux ou d'arsenaux. Vous souvenez-vous qu'il disait que la flotte yankee pourrait si étroitement bloquer nos ports que nous serions hors d'état d'exporter notre coton ? Il avait raison. Nous opposons aux nouveaux fusils yankees des mousquets datant de la Révolution et bientôt le blocus sera si effectif que nous ne pourrons même plus introduire chez nous des médicaments. Nous aurions mieux fait d'écouter des cyniques comme Butler ! » [XI, 287] Cette lettre, Scarlett l'avait lue, sans le moindre scrupule, en profitant d'une absence de Mélanie, parce qu'elle y cherchait les signes de l'amour qu'il avait pour sa femme, et qui n'étaient peut-être que des signes amicaux, elle se réjouissait de voir qu'Ashley l'appelait « ma chère femme » et non « chérie » ou « ma bien-aimée » [XI, 284]... : « elle ne lisait pas la correspondance de Mélanie pour savoir à quoi s'en tenir sur les idées biscornues et inintéressantes d'Ashley. C'était déjà bien beau d'avoir eu à l'écouter parler jadis sous la véranda de Tara. » [XI, 288] Elle n'a vraiment pas tort de dire, à tout bout de champ, qu'elle laisse la politique aux hommes : en effet, elle n'y comprend rien.

Mélanie, au contraire, avait très bien compris, à tel point qu'il lui arrive, elle qui est si douce et si peu querelleuse, de prendre la défense de Rhett Butler devant Mme Merrywhether, qui proclame que « Tout homme qui ne considère pas notre Cause comme juste et sainte devrait être pendu ! Vous, mes petites, je ne veux pas entendre dire que vous lui adressez encore la parole... Au nom du Ciel, Melly, qu'as-tu ? Es-tu souffrante ? » Mélanie était blême. Ses yeux semblaient hagards – Si, je continuerai de lui parler, fit-elle d'une voix assourdie. Je ne serai pas grossière avec lui. Je ne lui interdirai pas la maison » (…) « C'est moi qui aurais dû trouver ça, songea Scarlett en qui se mêlaient la jalousie et l'admiration (…) Mélanie tremblait, mais elle se hâta de continuer comme si elle avait craint de perdre courage en s'arrêtant : « Je n'ai pas à lui en vouloir de ce qu'il a dit... il a eu tort de dire tout haut ce qu'il pensait... ce n'était pas une chose à faire, mais c'est... mais Ashley pense comme lui. Et je ne peux pas interdire ma maison à un homme qui pense comme mon mari. Ce serait injuste » [XII, 314] C'est alors, seulement, que Scarlett se rappelle les idées « biscornues et inintéressantes » qu'elle avait déjà eu sous les yeux : « Oh ! Cette lettre, pensa Scarlett. Était-ce bien cela qu'elle voulait dire ? » [XIII, 315]

Il y a donc un abîme entre le cynisme avoué, sinon même proclamé,de Rhett Butler, et les agissements cyniques de Scarlett, qui entend rester une « dame », et n'aime pas beaucoup s'entendre rappeler « comme vous étiez charmante ce jour-là, aux Douze Chênes, quand vous étiez en colère et que vous lanciez des vases. - Oh ! Voyons, vous n'oublierez donc jamais cela ? - Non, c'est un des souvenirs auxquels je tiens le plus... le tempérament irlandais perçant sous l'éducation raffinée d'une belle jeune femme du Sud... Vous êtes très irlandaise, n'est-ce pas ?

 

  1. DE SCARLETT KENNEDY A SCARLETT BUTLER

 

Nous voici arrivés au moment où bascule, non seulement l'histoire de la guerre civile, mais aussi et surtout l'histoire de Scarlett : jusqu'ici, elle n'était qu'un produit de la culture sudiste, une fille à marier, une épouse, une veuve, dont toutes les actions étaient prescrites par une tradition sacro-sainte, et sanctionnées par la force du qu'en-dira-t-on. Mais la voici forcée de s'enfuir d'Atlanta, avec son fils et sa belle-sœur enceinte, pour chercher refuge à Tara, dans la plantation où elles avaient passé leur enfance. Elles vont découvrir un pays dévasté où les armées nordistes pillent et incendient aussi bien les récoltes que les maisons... La demeure des O'Hara n'a pas été brûlée, parce que Gerald, le père de Scarlett, a dit à l'officier nordiste qu'il lui faudrait brûler aussi toute la famille, lui-même, sa femme et ses deux filles, atteintes par la typhoïde, alitées et intransportables : « Le jeune officier était... oui, était un gentleman.(...) Il a fait faire demi-tour à son cheval, il est parti au galop et il n'a pas tardé à revenir avec un capitaine, un chirurgien, qui a examiné les petites, et ta.mère.(...) Il avait de l'opium. Nous, nous n'en avions pas. Il a sauvé tes sœurs. Suellen avait une hémorragie. Il a fait tout ce qui était en son pouvoir. Quand il a dit à ses chefs qu'il y avait des malades... ils n'ont pas brûlé la maison. Un général est venu s'installer ici avec ses officiers... Beaucoup de monde. Ils ont rempli toutes les chambres, sauf celles des malades. » [XXIV, 552] Puis, bien sûr, quand ils sont repartis, « Ils ont abattu les clôtures, ils les ont brûlées pour faire la cuisine, ils ont brûlé aussi les étables et les écuries. Ils ont tué les vaches, les cochons, les poulets, même les pintades (…) Ils ont emporté des tas de choses, même les tableaux... quelques meubles... la vaisselle... » [XXIV, 553]

Scarlett va devenir la maîtresse de maison, parce que sa mère est morte, et parce que son père va retomber en enfance. Elle va, désormais, être obligée de prendre en main sa destinée, et celle de ses proches : c'est une lourde tâche, pour une femme-enfant, qui sera confrontée à de graves problèmes, la plantation est dévastée, les seuls Noirs qui y sont restés sont ceux qui servent à la maison, et ne sont pas plus qu'elle habitués aux tâches de la vie agricole. En outre, elle va bientôt devoir payer les impôts pour cette exploitation agricole qui ne rapporte plus, et qui pourra être mise en vente forcée si elle n'acquitte pas ses impôts.

Nous allons assister à quelques vilenies, rendues inévitables par l'état de nécessité, où Scarlett oubliera ses prétentions à être une dame du monde, une lady : ainsi épousera-t-elle Frank Kennedy,qui était le soupirant de sa sœur Suellen, auquel elle a fait croire que Suellen avait trouvé un autre amant... et c'est ainsi qu'elle pourra payer ses impôts et sauver son domaine de la confiscation...

Elle devient cynique, et c'est alors qu'a lieu la scène bien connue, qui est à peu près le seul souvenir qui me reste du film que j'ai vu il y a bien des années : « La faim la tenailla de nouveau et elle dit tout haut : - J'en prends Dieu à témoin, j'en prends Dieu à témoin, les Yankees ne m'auront pas. Je tiendrai bon, et quand j'aurai surmonté tout cela, je n'aurai plus jamais le ventre creux. Non, ni moi ni les miens. Même si je dois voler ou tuer, tant pis, j'en prends Dieu à témoin, je n'aurai plus jamais le ventre creux. » [XXV, 577 : bien évidemment, mon souvenir de cette scène n'inclut pas, à la lettre, le souvenir de ce serment, que j'ai retrouvé dans le livre]

Nous n'allons pas suivre, pas à pas, l'histoire de cette conversion au cynisme, nous essaierons d'y voir ce qui en fait un apprentissage, et la découverte d'une modernité. Par exemple ceci : « Elle tyrannisait les nègres et mettait ses sœurs au supplice non seulement parce qu'elle était trop occupée et trop épuisée pour faire autrement, mais parce que ça l'aidait à oublier l'amertume qu'elle ressentait, en constatant que tout ce que sa mère lui avait dit de la vie était faux » [XXV, 585]

Elle va même commettre un meurtre, excusable, il est vrai, par la légitime défense, quand elle est agressée par un soldat déserteur et pillard, qu'elle abat, « et soudain elle reprit conscience de la vie, elle fut envahie d'une joie féroce de tigresse. » [XXVI 594] Elle dissimule son cadavre, car il s'agit d'un soldat Nordiste, en uniforme bleu, et qu'elle a tout à craindre si on l'accuse de rébellion ; par ailleurs, elle trouve sur lui un portefeuille bien garni, « des billets des États-Unis à dos vert, pêle-mêle avec des billets confédérés et au milieu d'eux, jetant un faible reflet, une pièce d'or de dix dollars et deux pièces de cinq dollars en or également. » [XXVI, 597]

Elle va bientôt pouvoir rentrer à Atlanta, et confier la gestion du domaine à un jeune soldat démobilisé, Will Benteen, qui était le fils d'un fermier, et qui s'est révélé capable et avisé ; il deviendra plus tard le mari de Suellen. Scarlett va devenir une femme d'affaires, gérant une scierie, puis deux, qui seront fort actives dans la reconstruction d'une ville où beaucoup d'édifices sont encore faits de planches.

Plus tard, évoquant elle-même le chemin parcouru depuis la chute d'Atlanta, et sa fuite précipitée, elle se rappelle qu'alors « elle n'était qu'une jeune femme gâtée, égoïste, sans expérience, un être plein de jeunesse, aux sentiments tout frais, capable de trouver encore maints sujets d'étonnement dans la vie. Désormais, il ne restait plus rien de cette jeune femme. La faim, les travaux accablants, la peur, ses nerfs perpétuellement tendus, les affres de la guerre et de la Reconstruction lui avaient pris tout ce qu'elle avait de chaleur, de jeunesse et de douceur. », et elle se rendait compte que « pour elle et pour tout le Sud, la guerre ne prendrait jamais fin. » [XXXI, 734]

C'est ici qu'il nous faut être attentifs à ce qui nous paraît être la persistance d'un sentiment « sudiste », car s'il y a lieu de croire qu'elle se sent menacée par les « bootleggers », il serait faux de croire qu'elle reste fidèle aux passions romantiques cultivées avant la guerre. Elle critique férocement ce que pensent les nostalgiques : « En dépit de tout ce qu'ils savent, ils s'imaginent encore qu'il ne leur arrivera rien de véritablement terrible parce qu'ils sont des O'Hara, des Wilkes, des Hamilton. Les nègres eux-mêmes partagent leurs sentiments. Oh ! Les imbéciles ! Ils ne se rendront jamais compte de rien. Ils continueront à penser et à vivre comme ils l'ont toujours fait et rien ne les changera. (Je suis la seule qui ait changé... et je ne l'aurais pas fait si j'avais pu m'arranger autrement. » [XXXII, 743-744]

Quand Scarlett entreprend de gérer la scierie, dont elle a repris le projet à son nouveau mari, Frank Kennedy, c'est parce qu'elle a découvert qu'il n'était pas vraiment doué pour les affaires : en étudiant les comptes du magasin qu'il gère, elle est déçue par sa terrible incompétence : « Quand je pense qu'il a la prétention de faire marcher une scierie, s'indigna soudain Scarlett, Cornebleu ! S'il transforme ce magasin en institution charitable, comment peut-on espérer qu'il gagnera de l'argent en vendant du bois ? (…) J'ai beau ne pas m'y connaître en bois, je parie que je saurais encore mieux faire marcher une scierie que lui ! » : « C'était pour le moins une pensée surprenante. Une femme plus compétente qu'un homme en affaires ! Pensée révolutionnaire pour Scarlett qui avait été bercée dans la tradition que les hommes étaient conscients et que les femmes n'étaient pas trop intelligentes. Bien entendu, elle s'était rendu compte que ce n'était pas vrai du tout, mais elle avait encore l'esprit tout imprégné de cette agréable fiction. Jamais auparavant il ne lui était arrivé d'exprimer par des mots cette idée remarquable. Immobile, le livre épais sur les genoux, la bouche légèrement entrouverte par la surprise, elle songeait qu'au cours des mois de disette elle avait abattu à Tara une besogne d'homme et qu'elle s'en était tirée à son honneur. Dès sa jeunesse, on lui avait inculqué la notion qu'une femme seule ne pouvait rien faire et pourtant, jusqu'à l'arrivée de Will, elle avait dirigé la plantation sans l'aide d'aucun homme. » [XXXVI, 837-838]

C'est alors qu'elle renoue avec Rhett Butler, qui finira par être son dernier mari. Nous n'avons pas voulu retracer leur histoire, et pas même la résumer, chacun pourra la lire dans le roman lui-même. Mais nous voulions cerner le sens de cette histoire, où le cynisme peut s'appeler réalisme, et définit le sens d'une modernité, qu'on pourrait aussi bien dire « individualiste » C'est ce que dit Butler, à qui nous voudrions laisser le dernier mot : « Vous avez simplement cherché à ne pas faire comme les autres femmes, et ma foi vous n'avez pas mal réussi. Comme je vous l'ai déjà dit, la société ne veut pas qu'on se singularise. C'est le seul péché qu'elle ne pardonne pas. Maudit soit celui qui est différent des autres. Et puis, Scarlett, le seul fait que votre scierie marche bien est une injure à tout homme dont les affaires périclitent. Rappelez-vous qu'une femme bien élevée doit rester à son foyer et ignorer ce qui se passe dans le monde brutal des gens laborieux. » [XXXVIII, 918 : N'allez pas croire que je souscrive à cette apologie de l'individualisme : la modernité du cynisme ne doit pas nous masquer le cynisme accablant de la modernité. Lisez plutôt le Traité d'économie hérétique, de Thomas Porcher, Pluriel, 2019] Pensée qui est, en effet, fort révolutionnaire, aux antipodes mêmes des traditions « sudistes », auxquelles on aurait tort de réduire la portée de Gone by the wind, ce grand livre émancipateur !

 

 

POST-SCRIPTUM AUTOCRITIQUE (24 JANVIER 2021)

 

A première lecture, l'attention du lecteur est pratiquement forcée de se concentrer sur Scarlett et sur Rhett Butler. Elle sera, par là-même, conduite à sous-estimer les autres personnages, et à les juger mal. Cette vision biaisée s'impose aux commentateurs, même s'il leur arrive de s'en apercevoir : c'est pourquoi lorsqu'ils ont pu mettre en perspective une reconstruction plausible du récit, ils auront bien du mal à y intégrer un autre point de vue, qui aurait rendu justice à des personnages "mineurs"... Tout au plus peuvent-ils glisser quelques remarques, qui peuvent attirer le regard du lecteur sur d'autres personnages, qui sont restés dans l'ombre. Mais il n'est guère possible de composer un commentaire polyphonique englobant tous les points de vue : nous nous contenterons d'indiquer quelques pistes, qui pourront suggérer d'autres herméneutiques.

Tout d'abord, on s'en doute, il faut prendre au sérieux le cas de Mélanie, constamment décriée par sa belle-sœur - et rivale - Scarlett : celle-ci la juge constamment sotte et superficielle, incapable de voir qu'elles sont, l'une et l'autre, amoureuses du même homme, de sorte qu'elle serait si facile à tromper, dans tous les sens du verbe "tromper". C'est même ce qu'il semble dans un épisode tardif que nous avons négligé, où Ashley embrasse Scarlett, scène qui est surprise par plusieurs témoins. On s'attend à ce qu'il en résulte un scandale, à la prochaine réunion familiale - et c'est Mélanie, elle-même, qui trouve le moyen de réduire au silence toute dénonciation, avant même d'entendre les explications de Scarlett. C'est là le fait d'une sagesse supérieure, plutôt qu'une conduite de cocu(e) consentant(e) : nous avons voulu croire que les lecteurs pourraient se passer de tout commentaire, et qu'ils sauraient relire tout le rôle de Mélanie avec l'idée qu'elle est aussi fine que Scarlett.

Il faut encore revenir sur un épisode que nous nous sommes bien gardé d'introduire, celui où est mise en scène une expédition punitive du Ku Klux Klan, qui réplique aux incivilités dont Scarlett a été victime, en se déplaçant seule dans Atlanta, conduisant elle-même une voiture que son cocher, ancien bagnard, avait refusé de conduire, depuis qu'elle employait des condamnés dans ses scieries. Cette expédition punitive se solde par la mort de deux participants, l'un d'eux n'étant autre que Frank Kennedy, le mari de Scarlett... Le scandale est étouffé grâce à l'intervention ingénieuse de Rhett Butler, qui met en scène un duel simulé entre les deux victimes... Là encore, nous avons supposé que les lecteurs sauraient se faire une opinion.

Nous avons donc omis tout ce qui, dans cette œuvre, débordait notre thème - cynisme et modernité -, ne disant rien non plus du troisième mariage de Scarlett, ni du sort malheureux de sa petite fille, qu'on aurait pu croire inspiré de "Barry Lyndon", mais qui est peut-être, en fait une réminiscence des chutes de cheval qu'a vécues, elle-même, l'auteure du roman.

 

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